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Articles // Littérature et conte

BLEU PANACHE

Shiff de nuitte

// Daniel Dumont - 10 avril 2015

Numéro : Avril 2015

 

 

T’étais une belle fille maman

Un vraie belle p’tite enfant

Tu portais au regard une langueur

Qui teintait toute ta jeunesse

 

D’la boucane des vapeurs de train

Au-dessus d’une gare un beau matin

Pis une arrivée tard après l’heure

Loin loin au coeur d’une Abitibi

 

*

 

Probablement

Dans ton ventre ton cœur tout petit

Sur ton âme une enfance en débris

C’était pas la lumière souhaitée

Cette lune crémeuse d’un jaune épais

 

Après t’as su

Qu’un beau soleil chaud clair rond

Se cachait à l’envers de ta destination

T’en as presque oublié le violent abandon

Tes doutes tes toutes premières désolations

Avec ton homme

Tes heures étaient plus douces moins ingrates

Tu roucoulais comme une pigeonne satisfaite

Dans tes beaux yeux de tendres et douces promesses

Immenses chaudes comme des vents d’automne

 

Y faisait d’l’or

Au blast y partait pour le shiff de nuitte

Derrière lui la porte se r’fermait vite

Après t’étais seule dans tes beaux draps

Tes yeux se perdaient su’l mur d’la chambre

 

Maudit shiff de nuitte

Ton petit cœur débordait d’un trop grand amour

Prenait la mesure de sa blessure d’abandon

Su’l mur de ta chambre au boutte d’la couette

Quand la lune r’venait y vivre en grands rayons

 

Symphonie du shiff de nuitte

Ça soupirait calme dans la chambre des p’tits

T’avais tout préparé sandwich fromage et pomme aussi

Dans sa boîte à lunch pas d’place pour tes problèmes

C’est entre femmes avec la lune que tu les r’niflais

 

 

 

Pendant le shiff de nuitte

Y’avait des heures qui arrivaient sans avis

Dans l’grand lit frette vidé par la compagnie

Ton cœur tanguait faisait des larmes de cristal

Quand la lune r’brassait ton arrivée en Abitibi

 

Pendant ton shiff de nuitte

Tu jasais un boutte avec ton oreiller

Les enfants dormaient à poings fermés

C’était long à passer mais court aussi

Le lendemain tu faisais ses toasts pas trop grillées

 

En plusse

Tu préparais la soupane les lunchs des p’tits

Pis c’était l’école la vaisselle aussi

Tu faisais l’ordinaire en silence comme à’messe

Un homme qui dort de jour ça’ pas l’sommeil lourd

 

De shiff en shiff

Ton homme fouillait bravement l’or sous ton lit

Pendant qu’la lune r’venait jouer su’l mur jauni

Mais c’était pas trop grave t’avais ta p’tite famille

Pis aussi des fois les nuittes sans lune des shiffs de jour

 

 

 

Pour ast’heure

La lune peut ben r’venir tant qu’à voudra

Brasser tes souvenirs pis ton barda 

T’as des beaux enfants un homme aimant

Un grand cœur d’amour pour la rendre jalouse

 

 

 

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